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JOURNAL D'UN ZOMBIE EN ROBE (de chambre) THE WHITE ALBUM est sur I-Tunes et www.madamevisage.com
20 décembre 2006

le conceptdu zombie philosophique

Un matin de plus et c’est encore le même.

Dois-je revenir sur Sisyphe ?

 

J’écoute la radio, je bois mon café, je fume une cigarette, je me sens heureux d’être libéré des déjections fécales, et, sans avoir encore prononcé un mot, je vais me placer derrière mon ordinateur. Comme il est rassurant, mon ordinateur ! Il me permet d’être relié au monde en haut débit. Et je débite, en effet. Je lis mes mails, je réponds pendant des heures, je vais sur myspace, facebook, peaufine mon profil, refais ma page, mets quelques infos sur moi, lis celles des autres, commente, j’oublie de manger, j’oublie l’heure, j’oublie de me doucher. Je vais sur Facebook checker mes applications, voir si j’ai été mordu par un vampire, l’ennemi juré de l’application zombie…

Il est 16h.

 

Derrière chaque poncif se cache une réalité aveuglante : Je passe ma vie sur internet, j’ai une vie virtuelle : Je n’ai pas de vie réelle. En plaçant mon corps devant un écran relié à internet, je me crée un double de moi, à la fois sublimé et sans substance. Un double étranger à moi-même qui peut finir par se substituer à moi. N’est-ce pas là une définition possible d’une certaine maladie mentale ? Sauf que ce double qui finit par m’imiter n’a pas de conscience. Il est proche de la machine. A plus d’un titre. Proche de l’ordinateur, il va sans dire, qui imite mon intelligence trop souvent plutôt que de la servir. En étant présent sur des forums de discussions ou sur des sites communautaires, j’ai l’illusion d’exister, je peux survivre et j’occulte facilement le fait que je suis plutôt là pour vivre.

 

Zombie l’addict à internet et à l’écran, zombie tous les addicts à n’importe quelle drogue. Zombie tous ceux qui ont une addiction, les toxicomanes si souvent comparés aux zombies pour leur apparence d’humains errants au regard agar. Mais zombies aussi ceux qui n’ont de vie que virtuelle. Le temps, car c’est bien dans le temps que nous vivons, le temps passé sur Second life, sur les sites communautaires et sites de rencontres révolutionnent la vie, c'est-à-dire qu’ils le retournent comme une crêpe, crée un double de la vie, une photocopie. On est amis sur myspace remet en question la notion d’amitié, Gayvox et Meetic la notion de vie sexuelle et surtout amoureuse où l’imperfection n’a pas sa place et crée une quête sans fin : celui-ci ne me plait pas, il a un problème, je passe au suivant qui aura un autre problème puisque l’homme est imparfait… illusion de vie, illusion de vie sociale…

 

 

 David Chalmers (http://consc.net/chalmers/) a beaucoup travaillé sur ces notions et rend plus complexe la simple constatation de la zombification de l’être cybernétique : Il le replace dans une réalité qu’il est trop facile d’oublier. Car, même si je passe ma vie sur internet, j’ai quand même un cerveau et j’ai quand même un corps et parfois même ce corps a mal. Chalmers me pose la question du zombie philosophique via le dualisme corps/esprit.

Le concept du zombie en philosophie pose un être qui a toute l'apparence d'un être humain, mais qui n'a pas de conscience, qui ne pense pas. Les zombies, s’ils ressemblent à des êtres humains, seraient entièrement dans le noir à l’intérieur. Leur comportement étant similaire au commun des mortels, ils peuvent tout à fait avoir une discussion concernant la conscience.

 

Dans ce cas, quel est le cogito du zombie ?

Le problème du dualisme substance matérielle et substance pensante est longuement traité dans la philosophie de Descartes mais elle est peu innovante en ce qui concerne le zombie cybernétique… Je me moque un peu mais la mort c’est bien, ça laisse du temps pour relire Descartes, je suis certain qu’il va m’éclairer sur des trucs…

La réflexion de Chalmers, plus contemporaine, part du principe que, si on peut imaginer l’existence d’un corps humain sans y ajouter forcément une conscience, on peut aussi le fabriquer potentiellement. Les sciences physiques peuvent en effet décrire un corps sans jamais faire référence à une quelconque activité mentale. Le corps humain est constitué de 70% de ceci, 10% de cela et cela est un atome constitué de… Bref le corps est une matière à part entière, indépendante d’une conscience (autre que celle qui a conscience de cette matière, bien entendu, car cette conscience-là est celle du créateur potentiel de cette entité, non pas une sorte de Dr Frankenstein, qui s’est justement posée la question de la conscience, mais plutôt à un créateur de robots) Grâce à de tels adeptes de la physique pure, le passage de l’imagination d’un être sans conscience à sa conception paraît même simple.

 

La plupart des religions acceptent ou même défendent le dualisme de substance. Sans lui il n’y aurait d’âme, cette âme dont Nietzsche, pour une fois si proche du doute cartésien, disait qu’il ne fallait pas si vite évacuer l’existence étant donné qu’on n’avait pas non plus de preuve de sa non-existence…

L’âme donc, à l’existence supposée distincte du corps, sert notre idée de dualisme.

David Chalmer s’est inspiré du film Matrix pour mettre au point une théorie corroborant ce dualisme de substance. Il imagine une expérience informatique dans laquelle les corps de toutes les créatures sont contrôlés par leurs esprits qui, eux, restent à cette simulation. Ainsi les esprits n’existent pas dans l’univers observable des créatures qui peuvent faire toutes les recherches qu’elles veulent sans parvenir jamais à trouver où se situent leurs esprits. Matrix met en lumière un cas de dualisme de substance en rapport avec l’informatique.

 

Plus précis encore, quoique plus mystérieux et donc plus poétique : la place des qualia dans notre système de conscience. Les qualia sont toutes ces informations qui nous parviennent et qui sont indéfinissables et relatives. Les qualia sont de l’ordre de l’ineffable, de l’individuel et du privé, elles sont une expérience qui parle directement à la conscience sans qu’on puisse les traduire avec des mots. Nous avons conscience par exemple que le rouge est rouge… on ne peut pas communiquer les qualia, ce sont des expériences sensibles qui nous font reconnaître, par exemple, une musique belle. En ce sens ils nous semblent une sorte de conscience archaïque, peut-être innée mais c’est plus complexe encore.

Pour Robert Kirk, les zombies philosophiques ont pour but de rendre plus évidente l’idée que la conscience serait en plus, quelque chose au-dessus et à côté du monde physique.

Le spirituel et le matériel semblent avoir des propriétés plutôt différentes et sans doute irréconciliables. A quoi ressemble le ciel bleu ? Qu’est-ce qu’on ressent lorsqu’on se brûle le doigt ? A quoi ressemble une musique agréable ? Voilà les qualia, ces aspects subjectifs de l’esprit. L’argument est alors que ces qualia semblent particulièrement difficiles à ramener à quoi que ce soit de physique.

Dans la lignée du doute cartésien sur lequel je promets toujours de revenir, et allant plus loin que Chalmers sur la conscience et les qualia, Thomas Nagel vient toucher les limites de la conscience avec sa question : Quel effet cela fait d’être une chauve-souris ? Nous n’avons aucun moyen de le savoir à moins d’être soi-même une chauve-souris. Et encore, une chauve-souris pensante ! Nagel en conclue donc que les qualia échappent à l’analyse et que par conséquent l’analyse scientifique de la conscience même est une quête absurde et vaine.

Et, de la même manière que Nietzsche pose la question Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?, David Chalmers semble nous demander, en relation avec le problème difficile de la conscience : Pourquoi sommes-nous des choses pensantes plutôt que des zombies ?  Car j’habite le même monde que vous mais c’est un monde sans rien à l’intérieur.

Et si je ne peux pas me considérer comme un zombie uniquement parce que je passe ma vie sur internet, l’addiction exaspère le zombie qui est en moi, le met en lumière en même temps qu’il l’explique et le prouve. Combien, dans ce cas, êtes-vous de zombies qui s’ignorent ?

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