Paolo Canevari
(english version just follows the french one)
D'abord regardez cette vidéo vue à l'expo "Vanités", musée Maillol jusqu'au 28 juin 2010 (trop tard donc :)
http://www.youtube.com/watch?v=nM0ocSIvM70
Quand j'étais petit, il y avait dans mon quartier un immeuble à l'angle d'une rue. Un jour un camion a foncé à grande vitesse dans cet immeuble et l'a éventré. Outre le drame des familles qui devaient s'y trouver, drame auquel je n'ai pas eu accès, l'immeuble est resté éventré pendant toute mon enfance et jusqu'à mon départ. Ce n'est que bien plus tard qu'il a été détruit, remplacé par un square. Ainsi, au moins une fois par semaine je passais devant cet immeuble qui offrait à la vue de tous son intérieur : tapisseries à grosses fleures bleues, lattes de parquet sectionnées, carrelage mural et même des chiottes encore solidement accrochées au mur. C'est ça. Un intérieur, très privé à la vue de tous. Un intérieur qui aurait dû le rester et qui est devenu extérieur, une intimité exposée.
S'en est suivie une fascination pour les murs. Les murs, les murets, les murettes, les murs au milieu de nulle part, les murs légendaires comme le Mur Païen dans les Vosgues ou le Mur d'Hadrien, sorte d'ancêtre du mur de Berlin ou du moins poétique mur en Isarel, la Grande Muraille de Chine ou juste les murs des villes, les murs aveugles ou ceux qu'on devine avoir fait parti d'un intérieur et qui sont devenus extérieurs, avec restes de tapisserie ou juste les marques encore visibles des cloisons qui séparaient les pièces des appartements.
Mais qu'est-ce qui m'a fasciné si longtemps sans que je comprenne pourquoi?
Paolo Canevari dans "Bouncing Skull" présente la même chose: un immeuble éventré. Mais parce qu'il est montré au milieu d'une exposition sur les Vanités et parce qu'au premier plan il fait jouer un gamin visiblement tout droit sorti des années 80, période de mon enfance, et parce que ce gamin joue au foot avec un crâne humain, je comprends quelque chose. D'abord je vois soudain que l'immeuble éventré ressemble aussi à un crâne.
Or je fais souvent des rêves d'appartements ou de maison aux périodes où je dois construire ma vie, changer quelque chose ou ranger dans ma tête. Ainsi, selon les ambiances de ces périodes, les appartements ou maisons apparaissent glauques, vastes ou avec beaucoup de recoins, sombres ou lumineux... mais je suis toujours heureux de ces rêves qui ne sont jamais des cauchemars. Un jour que j'étais assez mal et que je ne rangeais pas mon appartement, vous savez le fameux appartement de l'étudiant dégueu avec les pizzas qui jonchent le sol et les verres renversés, les cendriers pleins..., bon, pareil, hé bien une amie me dit simplement "Range ta maison!" Et ces mots résonnent dans ma tête. Elle inverse le processus et me propose comme thérapie pour arranger l'intérieur, de ranger mon extérieur. Elle inverse le processus et je comprends le parallèle que je n'avais jamais fait entre les deux espaces.
Je sais aussi que détruire est une volonté inconsciente de construire. Que cet immeuble éventré qui ressemble à un crâne montre son intérieur parce qu'il est détruit. Et je trouve beau qu'il ne l'aient pas reconstruit , réparé, détruit complètement pour le remplacer par un immeuble neuf. Non, ils ont fait un jardin à la place.
Range ta maison.
Cultive ton jardin.
Et qu'est-ce qui est le plus vain? Construire ou détruire?
Les fleurs se fanent, les fruits pourrissent... nous mourrons. Mais faut-il pour autant détruire plutot que de lutter contre la destruction de toute chose? Et puisque de toute façon c'est la même chose... Tout est décidément bien vain. Mais bon, une fois qu'on a dit ça, on fait quoi?
J'ai toujours été fasciné aussi par cette phrase de Calvino : "J'ai fait un extérieur avec, à l'intérieur, un dedans." Tout est à sa place.
Et l'intérieur qui est à l'extérieur, c'est quelque chose qui n'est pas à sa place. Comme un mort qui serait parmi les vivants. Alors encore une fois : Zombie l'immeuble éventré !
Mais une fois qu'on a dit ça...
Je ne peux pas tout m'expliquer. Je crois que ça s'explique pas d'ailleurs. La question "on fait quoi?" devient vaine.
Il a raison Paolo, il fait des parallèles. Je ne peux que faire les miens.
C'est bien !
ENGLISH : (short)
First of all, watch this video saw in the exhibition "Vanités" in Paris, Maillol Museum